Accusé du viol d’une mineure de 14 ans, l’accusé arguant s’être « laissé tenter » reste en détention

Rédigé le 23/04/2024
Isabelle Serre

"Un viol barbare" a décrit le parquet général ce mardi matin dans le cadre d'un appel sur un placement en détention provisoire interjeté par un père de famille de cinq enfants accusé d'avoir abusé sexuellement d'une adolescente de 14 ans dont il était proche. L'intéressé s'en défend et invoque une relation consentie. Mais c'est méconnaître la loi de 2021 sur le consentement sexuel des mineurs de moins de 15 ans.

Ce mardi matin, tous les détenus qui ont comparu devant la chambre de l’instruction pour faire appel de leur placement en détention provisoire ou pour faire une demande de remise en liberté sont accusés de viol. Les murs de la salle d’audience, comme trop souvent le mardi, résonnent de récits similaires où l’inversion de culpabilité est de mise, « c’est sa faute à elle », et d’une malhonnêteté intellectuelle qui flirte avec la bêtise, « c’était une relation consentie ». Ainsi, ce beau-père qui a imposé des actes sexuels à sa belle-fille de 11 ans et qui, à travers ses larmes, se décrit comme un « bon père » qui allait la chercher à l’école et l’aidait dans ses devoirs. Pendant ce temps, dans la salle d’audience voisine, un procès pour viol est en cours à huis complet devant la cour criminelle, juridiction qui juge toute l’année durant et sans discontinuer des faits de cette nature à La Réunion. Désespérant.

En milieu de matinée, c’est au tour de Patrick* de comparaitre. Le 27 mars dernier, il a été mis en examen pour le viol d’une mineure de 14 ans. « Elle le considérait comme son frère de cœur », lance la représentante de la société. Un lien affectif liait la victime présumée et l’accusé, qui a voulu se défendre en expliquant qu’il s’était « laissé tenter ». Dans un long monologue, lorsque la parole lui a été donnée ce mardi, le mis en cause de 24 ans, père de cinq enfants, a regretté de ne pas avoir pu fournir les captures d’écran des messages que la mineure lui aurait envoyés afin de prouver aux juges que la relation avait été consentie. Pour étayer ses arguments, l’intéressé charge encore plus la barque en évoquant des vidéos à caractère sexuel qu’il aurait également reçues.

Ce que Patrick semble ignorer, c’est que depuis la loi de 2021, les critères de violence contrainte et/ou surprise qui caractérisent un viol n’ont pas lieu d’être lorsque l’auteur a cinq ans de plus que sa victime mineure de moins de 15 ans (ou moins de 18 ans en cas d’inceste). Patrick ne peut donc pas se prévaloir du consentement de l’adolescente. D’autant que selon le parquet général, le viol en question est qualifié de « barbare » d’après les blessures infligées lors de l’acte sexuel.

« Une scène de boucherie », insiste le ministère public. L’auteur présumé aurait par ailleurs contacté des amis et des proches pour leur donner sa version des faits, un comportement qui fait craindre au parquet général des risques de pression et de concertation au cas où il retrouverait la liberté pendant le temps des investigations.

Le passé judiciaire du vingtenaire ne plaide pas non plus en sa faveur : 4 mentions au casier dont deux pour violences, une conjugale et la seconde sur un tiers, ainsi qu’un sursis probatoire révoqué par le juge d’application des peines. « Il faut désormais attendre les résultats des expertises psychologiques et psychiatriques afin d’évaluer sa dangerosité criminologique », insiste l’avocate générale.

En attendant, Patrick reste en détention provisoire.

* Prénom d’emprunt

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